Projet photovoltaïque à Avignonet-Lauragais : trois anciens élus ont été placés en garde à vue

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Les membres d’une famille d’agriculteurs ont-ils utilisé leur mandat au sein de la municipalité d’Avignonet-Lauragais pour essayer de tirer des revenus d’un projet de parc photovoltaïque ou en faire profiter l’un des leurs ? C’est sur cette question que planche la justice depuis quelques mois maintenant.

Mardi 8 novembre 2022, trois anciens élus du conseil municipal ont été placés pendant quelques heures en garde à vue pour s’expliquer au sujet de faits que nous révélions sur Actu.fr en juin 2021. Il s’agit de Gérard Izard et sa compagne Lydie Sourdouyre, respectivement premier et deuxième adjoint de 2020 à 2022, et du fils du premier, Jonathan Izard, élu de la commune de 2021 à 2022. Le parquet de Toulouse précise qu’une quatrième personne a aussi été entendue par les gendarmes sous le même statut.

Rappel des faits

Le dossier qui occupe la justice concerne un projet de parc photovoltaïque de la société Boralex. L’entreprise canadienne avait l’ambition d’implanter 24 hectares de panneaux solaires supplémentaires à proximité de la centrale qu’elle exploite déjà sur les hauteurs du village.

Une partie de l’emprise foncière ciblée pour la réalisation de ce projet – soit quatre parcelles représentant une surface avoisinant les 18 hectares – appartient à Jonathan Izard qui a intégré le conseil municipal de la commune au premier trimestre 2021 à la suite d’une démission au sein de l’équipe majoritaire.

Le 20 avril 2021, la municipalité doit se prononcer sur ce projet. L’agriculteur n’est pas présent au sein de l’assemblée municipale mais il donne procuration à un autre élu qui approuve en son nom la délibération donnant un avis favorable au projet. Par ailleurs, le premier adjoint au maire, Gérard Izard, qui n’est autre que le père de ce dernier, valide-lui aussi cette décision. Tout comme la compagne de ce dernier, Lydie Sourdouyre, elle aussi adjointe.

Trois voix qui vont finalement peser lourd dans la décision finale de la municipalité d’Avignonet-Lauragais. À l’issue du vote, neuf voix pour et neuf voix contre sont recensées ainsi qu’une abstention. C’est finalement la voix du maire de l’époque, Isabelle Haybrard Danieli – comptant double dans un tel cas d’égalité – qui permet à la délibération d’être entérinée.

Une situation de conflit d’intérêt

Mais en participant même indirectement au vote de cette délibération, Jonathan Izard pourrait s’être exposé à une situation de conflit d’intérêts, si l’on se réfère à l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique : « […] Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. »

Gérard Izard et Lydie Sourdouyre semblent également être dans ce même cas de figure lorsqu’on sait que cette situation de conflit d’intérêts s’étend aux liens familiaux et peut également être élargie aux relations amicales dites « reprochables ».

Le texte de loi prévoit donc que « lorsqu’ils estiment se trouver dans une telle situation, […] les membres des collèges […] d’une autorité publique indépendante s’abstiennent de siéger ou, le cas échéant, de délibérer ». Ce qui n’a dont pas été le cas des trois élus lors de cette séance du conseil municipal du 20 avril.

La délibération retirée quelques jours plus tard

Interrogé par nos soins quelques jours après ce conseil municipal, Jonathan Izard avait quant à lui estimé ne pas être en situation de prise illégale d’intérêts. « Le projet était prévu avant mon élection », se justifiait-il alors.

Mais au regard de la polémique suscitée, Isabelle Haybrard Danieli décidait finalement de faire voter le retrait de cette délibération lors d’une nouvelle séance du conseil municipal convoquée quelques jours plus tard.

Quelle peine encourent les élus concernés ?

Ce rétropédalage n’a semble-t-il pas été suffisant pour éviter d’exposer les élus d’Avignonet-Lauragais aux questionnements de la justice. Ce qui ne semble pas étonnant si l’on en croit Maître Jonathan Bomstain, avocat installé à Toulouse et spécialisé dans le droit public et le droit pénal.

Interrogé sur le sujet au moment des faits, ce dernier précisait que le retrait de la délibération annulait l’irrégularité sur le plan administratif mais que les élus en infraction pouvaient toujours être poursuivis au plan pénal. « L’infraction est constituée. Avec le retrait de la délibération, le trouble à l’ordre public disparaît mais le Parquet a l’opportunité des poursuites », indiquait-il alors.

Pour rappel, le Code pénal (article 432-12) précise que la prise illégale d’intérêts est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Précisons qu’à ce stade de l’enquête, les quatre personnes auditionnées dans le cadre de cette garde à vue restent présumées innocentes.

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