Serpent de mer de fin d’année, la question des crèches de Noël installées au sein de l’enceinte des mairies met à l’épreuve l’application du principe de Laïcité tel que prévue par le loi du 5 décembre 1905.
La loi de séparation des Eglises et de l’Etat fait peser sur les administrations françaises un strict principe de neutralité et d’impartialité.
L’article 2 de la loi prévoit que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte« .
L’article 28 précise pour sa part qu’il « est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions« .
Dès lors, tant pour les bâtiments que les agents du service public, il existe une interdiction stricte de faire figurer ou de promouvoir tout emblème religieux.
Les agents du service, de la même façon, ne pourront, de quelque façon que ce soit, manifester vestimentairement ou par leurs propos une quelconque appartenance religieuse, philosophique ou politique.
C’est dans ce cadre que se pose la question des crèches de Noël dans les bâtiments publics, et notamment les mairies ou plus largement les sièges des collectivités territoriales.
Deux récentes décisons de la Cour administratives d’appel de Nantes et du Tribunal administratif de Lyon sont l’occasion de rappeler le cadre posé par le Conseil d’Etat, délimitant le frontière entre le principe de Laïcité et l’expression du fait religieux.
La haute juridiction administrative a rappelé, dans une décision du 9 décembre 2016, la portée du principe de laïcité et surtout a posé les critères d’appréciation pouvant permettre l’installation de crèches de Noël au sein d’un bâtiment public.
En effet, en raison de la pluralité de significations des crèches de Noël, qui présentent certes un caractère religieux, mais qui sont aussi des éléments des décorations profanes installées pour les fêtes de fin d’année, le Conseil d’État juge que leur installation temporaire à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, est légale si elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, mais non si elle exprime la reconnaissance d’un culte ou une préférence religieuse.
Pour déterminer si l’installation d’une crèche de Noël présente un caractère culturel, artistique ou festif, ou si elle exprime au contraire la reconnaissance d’un culte ou une préférence religieuse, le Conseil d’État juge qu’il convient de tenir compte du contexte dans lequel a lieu l’installation, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux et du lieu de cette installation.
C’est donc au-travers de ce filtre que la Cour administrative de Nantes et le Tribunal administratif de Lyon ont eu à juger de la légalité de l’installation de crèches respectivement au sein des locaux du Conseil départemental de Vendée et du Conseil régional de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ainsi, dans un arrêt du 6 octobre 2017, la juridiction d’appel nantaise a estimé que l’installation temporaire d’une crèche de Noël dans l’hôtel du département de la Vendée résulte, compte tenu des caractéristiques de la crèche et de ses conditions d’installation, d’un usage culturel local et d’une tradition festive de plus de 20 ans constituant des circonstances particulières, et n’est ainsi pas contraire aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques et à l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
A l’inverse, dans un jugement du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer en décembre 2016 une crèche de Noël dans les locaux de l’hôtel de région, au motif qu’en l’espèce l’installation ne présentait pas un caractère culturel, artistique ou festif.
Le juge administratif souligne notamment que la fabrication de santons par des artisans locaux ne suffit pas à démontrer le caractère artistique et qu’aucune crèche n’a jamais été installée dans les locaux du siège lyonnais de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Finalement, si le Conseil d’Etat a posé les contours des exceptions permettant l’installation de crèches de Noël au sein des bâtiments publics, le juge administratif sera contraint de se livrer à une appréciation au cas par cas afin de poser des règles claires et applicables à l’avenir par la personne publique.
A ne pas en douter, le contentieux des crèches de Noël risque de devenir un rendez-vous judiciaire récurrent de fin d’année, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ou les juridictions administratives finissent par poser des critères pratiques et indiscutables guidant les collectivités publiques.
Référence:
CE. 9 novembre 2016. Fédération de la libre pensée de Vendée
CAA de Nantes. 6 octobre 2017. Département de la Vendée
TA de Lyon. 5 octobre 2017. Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhone et Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen.