Les autorisations d’occupation domaniale rattrapées par la concurrence

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques (JORF n°0093 du 20 avril 2017 texte n° 8) est venue « rebattre les cartes » en matière d’occupation domaniale.

La fameuse décision « Jean Bouin » rendue il y a bientôt sept ans par le Conseil d’Etat (CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris & Association Jean Bouin ; Ctts MP, 2011, comm. 25 obs. G. ECKERT ; JCPA, 2011, 2043, note Cl. DEVÈS ; AJDA, 2011, p. 18, étude S. NICINSKI et E. GLASER ; BJCP, 74/2011, p. 36, concl. N. ESCAUT ; Dr. adm., 2011, comm. 17, obs. F. BRENET et F. MELLERAY ; CP-ACCP, 2011, n° 106, p. 56) dispensait l’Administration de mettre en concurrence les autorisations d’occupation domaniales délivrées sur leur domaine public.

Or l’article 34 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite aussi « Loi Sapin 2 » (JORF n°0287 du 10 décembre 2016 texte n° 2) revient sur cette règle prétorienne pas toujours respectée.

Il est notamment prévu que « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à moderniser et simplifier, pour l’Etat et ses établissements publics : les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public, en vue notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable applicables à certaines autorisations d’occupation et de préciser l’étendue des droits et obligations des bénéficiaires de ces autorisations … ».

C’est désormais chose faite avec les dispositions des articles 3 et suivants de l’ordonnance précitée du 19 avril 2017.
Ainsi sont créés les articles L.2122-1-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques.
Selon ces dispositions « sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ».

Toutefois une série d’exceptions se trouve prévue par le même code. Il s’agit par exemple des cas suivants prévus à l’article L.2122-1-2 du CGPPP :

– lorsque la délivrance du titre mentionné à l’article L. 2122-1 s’insère dans une opération donnant lieu à une procédure présentant les mêmes caractéristiques que la procédure déterminée par le premier alinéa de l’article L. 2122-1-1 ;

– lorsque le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection ;

– lorsque l’urgence le justifie. La durée du titre ne peut alors excéder un an ;

– sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l’article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente.

D’autres cas de procédures de passation à l’amiable se trouvent prévus par les articles L.2122-1-3 et L.2122-1-4 du CGPPP.

La succession de telles dérogations à la mise en concurrence nous conduit toutefois à nous questionner.

En effet la diversité de ces exceptions pouvant a fortiori être d’interprétation relativement large ne viderait-elle pas de son sens l’objectif visé par la loi Sapin 2 ?

On pense par exemple au cas très subjectif selon lequel une dispense de mise en concurrence est possible « lorsque les caractéristiques particulières de la dépendance, notamment géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles, ses conditions particulières d’occupation ou d’utilisation, ou les spécificités de son affectation le justifient au regard de l’exercice de l’activité économique projetée ».

Là encore les personnes publiques et leurs différents partenaires devront se montrer particulièrement vigilants.

Quant au juge administratif, on espère que ce dernier apportera ses lumières afin de délimiter clairement le champ de telles dérogations à l’obligation de transparence et d’égale concurrence que requiert désormais en principe l’octroie d’autorisations domaniales.

 

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