Depuis plusieurs semaines, le cabinet a été saisi par de nombreuses familles afin de contester des refus quasi systématique d’instruction en famille (IEF) opposés par les services du Rectorat de l’Académie de Toulouse.
En effet, le régime juridique de l’instruction en famille a été profondément réformé par l’article 49 de la loi n°2021-1109 du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République, instaurant un régime d’autorisation en lieu et place du régime de déclaration existant jusqu’alors.
Ainsi, le Législateur a souhaité que la scolarisation au sein d’un établissement scolaire devienne le principe, sans pour autant exclure de façon radicale l’instruction au sein de la famille qui devient un régime dérogatoire.
La demande d’IEF doit ainsi être fondée sur l’une des raisons prévues à l’article L.131-5 du Code de l’éducation qui prévoit que
« Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire définie à l’article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille.
Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence.
La présente obligation s’applique à compter de la rentrée scolaire de l’année civile où l’enfant atteint l’âge de trois ans.
L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant :
1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
[…] ».
Si les demandes fondées sur les trois premiers motifs, la question de « la situation propre à l’enfant » pose manifestement une réelle difficulté, qui se révèle aujourd’hui, dans la mesure où aucune définition de la notion n’a été posée par le Législateur, ce dernier se reposant uniquement sur l’appréciation de l’Administration.
Conscient de cette difficulté, le Conseil constitutionnel, dans sa décision en date du 13 août 2021 (CC. 13 août 2021, n°2021-823 DC), avait émis une réserve dans son analyse de l’article 49 de la loi du 24 août 2021, futur article L.131-5 du Code de l’éducation.
Dans le cas des demandes fondés sur le quatrième motif prévu à l’article 131-5 du code de l’éducation, la Haute Juridiction a constaté que « le Législateur a entendu que l’autorité administrative s’assure que le projet d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant.
Enfin il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit ».
Dès lors, le Conseil constitutionnel avait demandé au pouvoir réglementaire d’établir des critères clairs et objectifs permettant d’assurer une uniformité dans l’appréciation des demandes visant à la délivrance d’une telle autorisation.
Malheureusement, le décret n°2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille, créant la sous-section 3bis dans la partie réglementaire du Code de l’éducation et les articles R.131-11 et suivants du même code, s’il indique les éléments nécessaires à la demande, ne précise en aucune façon les critères précis permettant aux autorités administratives de fonder leur décision, comme attendus dans la réserve formulée par le Conseil constitutionnel.
C’est dans ces conditions que depuis la mi-juillet 2022, nombre de familles qui avaient fait le choix d’une IEF pour leurs enfants, le plus souvent à peine âgés de trois ans et pour la rentrée 2022/2023, se sont vu opposer des refus d’autorisation systématiques.
De façon regrettable, les explications fournies par l’Administration sur ces rejets se sont révélées trop souvent stéréotypées et insatisfaisantes.
Pire, les familles, ayant pris l’heureuse initiative de se regrouper pour défendre leurs droits, ont découvert que la même situation, appréciée par deux services académiques différents, a pu générer des décisions radicalement opposées.
Par exemple, une famille de la région toulousaine, déménageant en Normandie, avait déposé deux dossiers de demande d’autorisation d’IEF.
Si l’académie de Toulouse a purement et simplement rejeté ladite demande, le Rectorat de la Normandie donnera une réponse favorable.
En l’absence de règles claires et face à la remise en cause du droit des parents à choisir les modalités de l’instruction de ses enfants, nombre de parents ont décidé de contester les décisions de refus devant le Juge administratif.
C’est dans ces conditions que le Cabinet a traité plus d’une trentaine de dossiers de refus et introduit plus d’une soixantaine de recours devant le Tribunal administratif de Toulouse.
A chaque audience et en l’absence d’une ligne jurisprudentielle établie, nous tenterons de convaincre individuellement les magistrats administratifs du bienfondé des demandes et de l’atteinte aux droits des parents et de l’enfant.
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